# Fake beauty ! Pourquoi et comment en finir.

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Mettez-moi de faux cheveux, faux ongles, faux cils, lentilles colorées, faux sourcils, fausses fesses, faux seins… Vous me rajouterez une bonne dose de maquillage et au moins 3 filtres Instagram pour parfaire le tout. Loin des sourires affichés, la « fake beauty », cette réalité alternative de la beauté féminine,  faite d’artifices cosmétiques augmentés d’artifices numériques, rend les femmes relativement malheureuses et peut avoir de graves conséquences psychologiques, sanitaires et financières, surtout au sein des communautés dites minoritaires.

 

# I woke up like this ! : internaliser l’irréel.

Chacun sait (ou en tout cas devrait savoir) que les médias sociaux ne sont pas la vraie vie. La plupart des gens y présentent leur personne et leur vie sous un jour exagérément flatteur. Chaque cliché est mis en scène, sélectionné parmi la dizaine de portraits réalisés pour choisir celui où la personne est le plus à son avantage. Maquillage, éclairage, angle de prise de vue et une myriade de filtres pour agrandir les yeux, gagner 5 cm de longueur de jambe, perdre 10kg instantanément, gommer rides, poches et vergetures, affiner le grain de peau ou changer sa carnation. L’amélioration est spectaculaire mais artificielle. Les femmes de ces images n’existent pas.
Peu importe si vous savez qu’une photo est fausse, si vous passez une demi-heure à parcourir le compte Instagram de célébrités avec de très longues extensions de cils ou l’intérieur des cuisses qui ne se touchent pas, vous commencerez à penser que c’est normal. Plus vous passez de temps entouré de certaines images (80% des jeunes utilisent les réseaux sociaux au quotidien, dont près de 50% s’en servent pendant plus de deux heures par jour et jusqu’à plus de 10h par jour !), plus les algorithmes font que ce sont toujours plus d’images et de contenus semblables qui vous sont proposés, plus vous normalisez ce genre d’images. Cognitivement, vous savez que ce n’est pas réel, mais la répétition finit par renforcer ces standards « idéaux » puisqu’ils sont associés au succès. Vous finissez par internaliser ces normes de beauté disproportionnées (taille marquée et seins démesurés, IMC trop bas) et racisées (blondeur, blancheur, traits fins ou au contraire lèvres et fesses hypertrophiées).

Des effets psychologiques doublement négatifs.

Savoir que tout ce que l’on voit est artificiel ne le rend pas moins souhaitable. Il est presque impossible de ne pas être aspiré par le fantasme et de la comparer à sa propre vie, à sa propre image.

De nombreuses études ont démontré que lorsque l’on regardait des photos de célébrités attrayantes, des effets psychiques négatifs étaient mesurés : l’estime de soi baissait significativement et des symptômes dépressifs apparaissaient. On se compare aux autres et on se trouve nul. On trouve alors ses propres cils trop courts, son teint vilain, son nez hors norme…
 

Heureusement, à son tour, on peut, selon ses envies et son budget, acheter les attributs sensés nous donner confiance en nous et nous rendre belles et désirables : extensions, lentilles, make-up, chirurgie esthétique. On peut ensuite, sans aucune qualification, passer sa propre image au tamis de nombreux filtres pour personnaliser son apparence et offrir la meilleure version de soi. On amplifie alors soi-même le phénomène de la fake beauty.

Là où la situation s’aggrave, c’est que, comme pour les célébrités, tout cela est un énorme fake ! On ne ressemble pas à son selfie dans la vie réelle. Et on est alors non seulement déçu de ne pas ressembler aux stars mais on est carrément déçu de ne même pas ressembler à soi-même !

Les spécificités des femmes Noires.

Tout d’abord, plus on est loin de l’image d’une beauté que l’on croit idéale, plus on souffre. Et les modèles restent majoritairement occidentalisés. Même les icônes noires (souvent afro-américaines) ont des traits fins, des cheveux longs et lisses, une peau et des yeux clairs. Les artifices pour se rapprocher de ces standards sont donc nombreux.

Tous ces achats peuvent représenter des sommes énormes. Proportionnellement, le budget cosmétique au sein des populations de femmes actives noires est donc beaucoup plus élevé que pour leurs homologues caucasiennes, jusqu’à quatre fois selon les sources.
Et comme cela représente parfois un fameux investissement, certaines optent pour des produits de moins bonne qualité (maquillage comédogène, colle à cils irritante, mèches inflammables), voir pour des techniques très dangereuses pour la santé (produits blanchissants contenant de l’hydroquinone, injections réalisées dans des arrières boutiques…).

Deuxièmement, le fait de vouloir transformer son image pour correspondre à l’image de la culture dominante peut provoquer de graves troubles identitaires, un état presque schizophrénique où l’envie de s’intégrer livre un combat interne à l’envie de représenter fièrement sa culture originelle et sa singularité. Combat d’autant plus intense que cette transformation est chronophage (jusqu’à plusieurs heures de transformation par jour). Et que dire du sentiment de peur et de honte quand on prétend que tout cela nous appartient et que l’on est démasqué : une mèche ou une lentille qui tombe, un homme qui passe sa main dans nos faux cheveux, une septicémie à la suite d’un implant…

Retour à la vraie vie : #Body Positive.

La « fake beauty », cette réalité projetée de la beauté féminine, faite d’artifices cosmétiques augmentés d’artifices numériques, rend les femmes relativement malheureuses. Le grand tour de force de l’industrie de la beauté, c’est avoir réussi à semer la confusion, dans la tête des femmes entre « confiance en soi » et « estime de soi ».

La femme est sensée se faire le cadeau d’être une autre qu’elle-même… et même d’y mettre le prix, parce qu’elle le vaut bien ! Maquillée, coiffée, copie-conforme d’une telle, elle endosserait une armure invisible et invincible. Girl Power ! Être la collaboratrice qu’on prend au sérieux, la femme indépendante et sexy, la grand-mère à l’allure jeune et active, la séductrice irrésistible… bref, développer son plein potentiel et réussir sa vie.

Or, paradoxalement, savoir que toute notre panoplie est fausse et qu’une fois le démaquillage, teinture ou la perruque blonde, la gaine et les filtres Instagram retirés, on se regarde dans le miroir pour observer une personne « moins bien », cela abîme terriblement l’estime que l’on a de soi. On s’aime moins. A tel point qu’une part significative des femmes ne pourraient pas sortir de chez elles ou se montrer à leur compagnon en étant authentiques, sans maquillage.

Pour sortir de ce cercle vicieux, je ne dis pas qu’il faut être radicale et jeter en bloc tout le linéaire beauté de sa salle de bain et se retirer définitivement des réseaux sociaux. Je suis moi-même à la tête d’un institut de beauté et je diffuse cet article via lesdits réseaux. Et de tous temps et dans toutes les cultures, les hommes et les femmes ont modifié leur apparence naturelle pour tenter de se rapprocher des canons de beauté de leur société. Mais il faut utiliser de manière éclairée tant les « ajouts » cosmétiques que les réseaux sociaux en pleine conscience de ce qu’ils sont : des artifices commerciaux.

Il faut néanmoins faire un gros travail, surtout envers les jeunes filles, de sensibilisation, d’éducation aux médias et de développement de l’esprit critique et de l’estime de soi. Il faut revenir aux fondamentaux. Apprendre les bons gestes pour soigner sa peau et ses cheveux de manière qu’ils conservent leur beauté naturelle le plus longtemps possible. Il faut réapprendre aux femmes à quel point les corps féminins vus dans les médias sont hors norme et manipulés. Il faut réapprendre à s’aimer profondément et à être bienveillant envers soi-même. Il faut réapprendre à cultiver son bien-être et sa beauté intérieure.

Alors, déconnectez-vous. Regardez les femmes autour de vous. Regardez à quel point elles sont belles, chacune à leur manière. Soyez vraie ! C’est le plus beau cadeau que vous puissiez vous faire à vous et aux générations futures.