Un africain sur deux est musulman. Longtemps ignorés ou mal compris par les géants de l’industrie cosmétique, les besoins en matière de beauté des femmes musulmanes sont, depuis quelques années, ciblés par une nouvelle vague de marques de niches au succès grandissant.
D’après le Sommet Mondial de l’Economie Islamique qui se tenait à Dubaï le mois dernier, le marché musulman des soins cosmétiques et personnels devrait augmenter de près de 74% d’ici 2020 pour atteindre 80 milliards.
Un segment de marché difficile à définir.
La population musulmane mondiale est souvent citée comme une «communauté mondiale». Dans les faits, il s’agit d’une myriade de sous-ensembles socio-culturels, autant cibles différentes tant sur le point géographique, ethnique que culturel. Leur principal dénominateur commun : les valeurs (et la pratique) de l’Islam.
L’Afrique et sa diaspora constituent des millions d’individus de confession musulmane (pratiquant ou pas). Les nouvelles générations sont très à l’aise avec le monde moderne, mais elles sont tout à la foi encore très fidèles à leur foi (voire plus que la génération de leurs parents). Trouver un équilibre entre la pratique de la foi, la pratique de la beauté et l’approbation de leur communauté peut être difficile pour certaines femmes musulmanes.
« Même si on ne croque pas dans son rouge à lèvres, on en mange une bonne partie ! »…
Le terme « halal » désigne tout ce qui est autorisé par la charia, la loi islamique. Ceci ne concerne pas seulement la nourriture comme on le croit trop souvent, mais également les habitudes de vie, la «morale musulmane». La pratique musulmane dicte notamment que l’on ne consomme ni porc, ni alcool. Si les textes religieux parlent d’ingestion, quid de l’application de ces produits (même de manière infime) sur le corps ? C’est l’Institut de Normalisation et de Métrologie des Pays Islamiques qui définit alors les directives pratiques auxquelles doivent satisfaire les industriels et les commerçants de produits cosmétiques halal, conformément aux édits religieux. Hormis pour les rouges à lèvres et les dentifrices qui sont en contact direct avec la bouche, rien n’est aussi strict pour les produits d’hygiène et les cosmétiques.
Des marques de niche.
Poussant le concept jusqu’au bout, certaines marques ont donc créé des cosmétiques dont les formulations ne contiennent ni porc (graisse ou gélatine), ni alcool (même l’alcool dénaturé ou les alcools gras), ni même extraits d’insecte (cochenille pour les pigments colorant). Ces marques mettent en avant leur label Halal Authority Board, une référence mondiale en termes de certification.
Développées pour les musulmanes, de nombreuses (petites) marques ont à leur tête des entrepreneures issues de la communauté musulmane, et ce, essentiellement au sein de la diaspora : Jamal (France), Samina Pure Make Up (UK), One Pure (Canada), Shfee Halal Care (Pays-Bas)…
L’Afrique à deux vitesses.
En Afrique du Nord, le positionnement halal fait partie des priorités des ministères de l’économie (notamment au Maroc) où l’on souhaite mettre tout en œuvre pour permettre à des industries locales de développer et d’exporter des produits certifiés halal dans le monde entier.
En Afrique Subsaharienne, les marques se heurtent à deux obstacles majeurs. D’une part, un intérêt réel pour les marques françaises et américaines. D’autre part, l’utilisation de produits naturels et de recettes « maison » existants dans leurs pays.
Les grands groupes « Islam-friendly ».
En 2012, Colgate-Palmolive avait mis sur le marché un dentifrice halal certifié sans gélatine de porc. Plutôt que de recourir aux certifications halal et modifications de formules, les marques généralistes misent plutôt sur le marketing culturel de ses produits : essentiellement des shampoings. Packaging orientalisant et égérie orientale à l’appui, Unilever et Henkel ont lancé des produits exclusivement destinés au traitement capillaire des femmes voilées. Le groupe Unilever et sa marque Sunsilk ont créé la gamme de shampooing Clean & Fresh, formulé spécifiquement pour les femmes portant le voile et dont les cheveux seraient particulièrement abimés par les frottements et le manque d’aération. Henkel a lancé son Gliss & Restore «le premier capillaire spécifiquement pour les cheveux voilée. » Quant au leader mondial, L’Oréal, on y indique que « le marché du cosmétique halal est un marché que nous regardons, comme d’autres, compte tenu de notre ambition d’universalisation de la beauté ».