Leur présence est encore très confidentielle à l’échelle de la ville, pourtant, elles sont bel(les) et bien là. Les Nappy Girls. Qui sont-elles? Comment magnifient-elles leurs cheveux davantage pour l’estime d’elles-mêmes que pour séduire les autres? Où et comment elles prennent soin de leur cheveux? Direction Kinshasa.
Josepha Cosmetics : Nappy Hair Spa.
Lustre à pampilles de verre monumental, staff et murs habillés de noir, des rayonnages où l’on trouve des marques internationales (Iman, MAC, Clinique, Clarins HT26), une avalanche de décibels s’échappant des clips vidéos… Josepha Cosmetics, c’est le salon de beauté tendance où se bousculent les kinoises branchées, de tous âges, depuis son ouverture l’été dernier. L’espace propose tous les services beauté classiques : coiffure, manucure, pédicure, make-up, épilations, soins visage.
Mais Josepha Cosmetics, c’est aussi un spécialiste des cheveux afros proposant de véritables soins pour entretenir et embellir les cheveux naturels ou en transition. Tania Mandu Gieskes, manager du salon, nous explique que, même s’il est encore marginal, le mouvement Nappy est une vraie tendance de fond. Et que cette recherche de naturel capillaire se traduit logiquement par le souhait d’utiliser des produits qui le sont tout autant. On y trouvera donc des rituels de soin hydratants, nourrissants et assouplissants pour les cheveux alliant beurre de karité, huile de coco, aloe vera, banane ou encore, du miel.
Plus globalement, être nappy s’accompagne aussi d’une utilisation plus raisonnée en termes de produits cosmétiques corporels; le choix d’utiliser moins de produits industriels. Pour satisfaire cette demande, Josepha Cosmetics importe donc, parfois même sous label de sa propre marque, des produits bruts tels que du savon noir, des huiles (avocat, coco…), des beurres (karité) ou des eaux florales (rose) en provenance directe d’Afrique du Nord et de l’Ouest. Une offre complétée par les produits « écologiques » de la marque The Body Shop.
Une clientèle plus pointue et plus exigeante aussi qui pousse le salon investir dans la formation de ses équipes. Car si, techniquement, les prestations sont bonnes, la pédagogie inhérente au réel conseil professionnel marque un peu le coup.
Une jeunesse inspirée …et inspirante.
Stan Smith aux pieds et pleines d’assurance, Audrey (14 ans) arborant des twists et sa sœur Coralie (12 ans) coiffure afro naturelle, m’expliquent qu’elles sont opéré un retour au naturel depuis environ un an car, malgré leur jeune âge, leurs cheveux étaient très abîmés et ne poussaient presque plus. Il est vrai que c’est dès l’enfance que les chevelures africaines sont malmenées (le défrisage est admis sur les bébés dès 1 an chez Josepha!).
Si elles utilisent des produits bruts et naturels (karité, huile d’avocat), elles utilisent aussi bien des produits de l’industrie conventionnelle (L’Oréal ou Franck Provost), mais toujours en veillant à choisir les gammes qui contiennent ces mêmes actifs.
En portant ses cheveux naturels et en revendiquant le droit à ne pas se conformer à la norme des cheveux défrisés, cachés sous des tissages lisses, ni même des tresses, Audrey estime porter un réel message militant. Et même si les avis de la famille ont parfois été assez négatifs au début, à présent, les deux sœurs font des émules au sein de leurs amies de l’école belge et même au sein de leur proches puisque leur grande sœur, habitant Bruxelles, débutera sa transition d’ici peu.
Un mouvement qui se fédère.
Comme partout dans le monde, les Nappy Girls du Congo Kinshasa se réunissent et échangent énormément. Sur les réseaux sociaux ou lors de rencontres ‘dans la vraie vie’, on parle beauté et santé du cheveu, bien sûr, mais pas que. C’est aussi un lieu de réflexion sur l’estime de soi et l’affirmation de son identité ; sur la santé et le bien-être (comme le blanchiment de la peau, les défrisages et tresses ne sont pas sans danger pour la santé et sans douleurs), sur la déconstruction d’un idéal de beauté occidentalisé ou, plus généralement, sur les thèmes de féminisme et d’empowerment.
Des moments d’échange intergénérationnels, dans le plus grand respect, où les femmes livrent leur parcours de vie, témoignent de leurs expériences, s’assument telles qu’elles sont avec force. Alors, que l’on soit, de manière informelle, dans une cuisine à Kinshasa ou à grand renfort de sponsors commerciaux dans un palais des expo à Paris, le résultat est le même : des moments de sororité qui créent du lien et du sens.
Chères lectrices kinoises …et les autres: n’hésitez pas à consulter les pages Facebook de Josepha Cosmetics et des Nappy Girls du Congo Kinshasa.
Photo : copyright Joana Choumali pour Nappy de Babbi