Afro-entrepreneure: Nadège Katumba a créé Mes Cheveux Dans Ma Cuisine.

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De l’Américaine Lisa Price (Carol’s Daugther) au docteur Sud Africain Fernandes (Environ), entre storytelling bien rodée et réels débuts ‘home made’, pas mal de firmes cosmétiques semblent avoir été créées…  dans la cuisine de leur fondateur !  Dans la continuité de nos derniers articles sur la révolution Nappy à Kinshasa et sur l’importance des formulations naturelles et du D.I.Y. en Afrique, voici une jeune entreprise pile dans l’ère du temps créée par une auto-entrepreneure congolaise : Mes Cheveux Dans Ma Cuisine.

Le produit miracle pour mes cheveux était simplement… dans mon frigo.

« Il y’a quelques années j’ai eu une chute énorme de cheveux et après avoir utilisé différents produits capillaires conventionnels;  voyant que rien ne marchait, découragée, j’ai coupé mes cheveux à presque 2cm.  C’était la première fois que, de façon consciente, je faisais face à mes cheveux naturels (crépus).  Je ne savais nullement comment les traiter.  Après plusieurs essais de produits non adaptés à mon type de cheveux, je me suis tournée vers Youtube.  Dans mon désespoir, j’ai découvert ces femmes américaines (dont certaines avaient leur propre label) qui utilisaient des fruits, des huiles végétales, des herbes fines, etc. pour leurs cheveux.  Peu à peu, j’ai appris à faire comme elles.

De fil en aiguille, face aux résultats, beaucoup de gens ont commencé à me demander ce que je mettais dans mes cheveux, ce qui les restaurait de la sorte.  Le nom Mes Cheveux Dans Ma Cuisine est né ainsi, lorsque j’ai pris conscience que la solution à mon problème capillaire se trouvait dans ma cuisine ; grâce à des ingrédients naturels tels que romarin, avocat, huile d’olive, citron, etc… »

Une vie et un business entre Kinshasa et Montréal.

Nadège Katumba est née et a grandi à Lubumbashi.  Après une adolescence passée à Kinshasa, elle part pour le Canada où elle vivra une quinzaine d’années.  C’est  à Montréal qu’elle suit des études en gestion hôtelière et restauration, en comptabilité financière et enfin des cours en lancement d’entreprise et vente conseil.

C’est grâce à un programme gouvernemental de subventions et de soutien aux travailleurs autonomes qu’elle lance son entreprise.  Mes Cheveux Dans Ma Cuisine élabore et commercialise des produits capillaires et soins de la peau avec des ingrédients végétaux d’origine naturelle.

Elle y travaille à temps plein depuis 2012.  Depuis mi-décembre 2015, elle est rentrée à Kinshasa pour y installer son siège principal et travailler encore davantage à l’élaboration de produits issus du riche terroir congolais.

Les produits sont donc distribués dans la capitale congolaise et la firme travaille à une optimisation de la logistique afin de créer des points de vente en province.  Grâce au double encrage kino-montréalais, les produits commencent aussi à être expédiés aux usa, en Europe et en Afrique.

Développer des produits à base du terroir congolais

Particularité de la marque : intégrer des ingrédients issus du terroir congolais à ses formulations : safou, dongo dongo (gel de Gombo),  mutozo ou oseille (ngayi ngayi) pour ne citer que ceux la…  D’autres actifs (pour partie africains) sont aussi utilisés : la papaye, l’avocat, l’hibiscus, le romarin, le persil, le céleri, la carotte…

Actuellement, la gamme capillaire comprend :

  • un masque capillaire 3en1 avant shampooing / shampooing /revitalisant (gel de gombo, huile de margousier)
  • un baume nourrissant (beurre de mangue, d’avocat, aloe vera, huile de chanvre)
  • un lait capillaire (leave in)
  • un gel coiffant
  • une crème coiffante sans rinçage
  • une huile stimulatrice (poivre de Cayenne et ortie blanche)
  • une huile revitalisante (Gingembre, Ail, Oignons et Ortie blanche)

 

>>>>  Le site internet est en cours de finalisation mais vous pouvez déjà suivre l’actu de la marque sur sa page Facebook de Mes Cheveux dans Ma Cuisine

Contact Nadège Katumba:  RDC +243813585181  / Montréal +14389345744

Spécial Kinshasa (2/2): une ville sans spa.

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En amoureuse et en professionnelle du Spa (et je mets une majuscule à dessein), analyser le cas de Kinshasa est un défi excitant.  Défi parce qu’observer avec objectivité (et en très peu de temps) sa ‘ville de cœur’ n’est jamais aisé.  Excitant parce que Kinshasa est une mégapole bouillonnante et contrastée où l’élégance est érigée en art de vivre …malgré les ‘orages’.

Au pays des sapeurs : le culte de l’apparence.

Quand on observe les Kinoises, il est  frappant (et parfois comme un coup de poing dans l’œil) de constater à quel point elles sont apprêtées : coiffure, ongles, maquillage et bien sûr vêtements et accessoires.  Au pays des Sapeurs (Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes), l’apparence soignée et le recours aux marques de luxe françaises sont érigées en art de vivre, en science, en religion 😉

Plus spécifiquement, pour leurs routines de soin, les Kinoises se font tresser / tisser par des proches, dans des salons de quartier ou dans des instituts plus huppés.  Idem pour les manucures, où les tarifs vont de l’équivalent de 1$ auprès des manucures ambulants (qu’on repère aisément au cliquetis de leurs bouteilles) à 25$ dans les nail bars ou plus de 50$ dans les instituts de la Gombe.

Le maquillage est très utilisé, surtout le fond de teint pour matifier, uniformiser le et camoufler les zones d’hyperpigmentation, les taches et les cicatrices dues aux produits éclaircissant ou les boutons causés parfois par le maquillage lui-même.

D’autres pratiques comme les épilations sont courantes et les cosmétiques qui galbent les fesses se vendent en masse.  Bref, il faut que cela se voie !

Le massage : entre tradition perdue, manque de nécessité et image sulfureuse.

Les instituts de beauté et les salons de coiffure sont donc légion.  Par contre, les soins du visage sont déjà beaucoup moins proposés.  Et rares sont les espaces où la notion de bien-être et les massages sont mis en avant.

Parce que la pratique du massage corporel renvoi à la nudité, à l’intimité voire à la sexualité, le massage n’est pas une évidence à Kinshasa.  Il est vrai que sous l’appellation de « centre de massages » se cachent (ou ne se cachent même pas, d’ailleurs) des pratiques relevant davantage de la prostitution.

Pourtant, en parlant avec des « vieux » (et ce terme n’a rien de péjoratif en RDC), on se rend compte qu’en dehors de Kinshasa, dans les zones agricoles, le massage est une pratique quotidienne.  Au retour des champs, les enfants massent les pieds et le dos de leurs parents, pour les soulager et par respect.

Plusieurs hôtels et instituts de beauté ont placé des massages à leur menu de soins, avant, parfois, de se rétracter.   Les raisons varient :

  • mauvaise insonorisation de l’espace qui rend la relaxation impossible.
  • plaintes pour « happy ending massage » (que ce soient de la part de clients trop insistants ou parfois des thérapeutes elles-mêmes, à l’insu de leur manager),
  • manque de demande des clients nationaux, rendant l’espace non rentable et le voyant se transformer en une autre pièce « beauté ». « Le massage, c’est pour les expats, nous, les Congolais, on n’est pas stressés ! On a le temps, pas de factures qui s’entassent, on est bien, on a pas besoin de tout ça ! Et puis, le prix, c’est exagéré ! ».
  • manque de demande des expatriés qui se plaignent de la pauvreté des techniques proposées (les tellement éculés californiens, suédois et drainant) ou de la qualité du soin lui-même : ‘main’ de la masseuse, produits, hygiène, confort, non-respect des heures de rendez-vous…

Ce constat d’échec rend les investisseurs très prudents et on notera qu’aucun des nombreux grands hôtels (installés ou à venir) n’intègre ce service : l’Hotel du Fleuve  (Kempinski), le Pullman Grand Hotel (Accor), le Stanley (DoubleTree by Hilton), le Memling, l’hôtel Béatrice…

Orchid Spa : une fleur dans le désert.

Malgré un titre quelque peu provocateur, je ne voudrais pas laisser penser qu’il n’y a aucun spa à Kinshasa.  Il y en a un. …pour 10 millions d’habitants!

Par définition, un Spa est un endroit destiné à la régénération et au repos. Il est caractérisé par une démarche holistique qui envisage l’être humain dans sa globalité.  Au cœur du concept, l’eau et ses vertus curatives : bains, boues, hydro-jets, hammam…  Ensuite, viennent toutes les autres approches qui contribuent au bien-être : massages, soins de beauté, exercices physiques, méditation, nutrition… Il ne s’agit donc pas uniquement de disposer d’un  hammam pour se proclamer spa, il s’agit d’un concept global, d’une philosophie.

Dans le quartier des ambassades, la Villa Orchid Spa propose une carte ultra complète de soins (massages, soins visage, beauté des mains et des pieds, épilations), des soins à base d’eau (hammam, hydrothérapie, piscine), un salon de coiffure, une boutique, une salle de sport et de yoga ou encore un jardin avec pool house.

Une équipe multilingue (français, anglais, lingala) et super accueillante (malgré mon retard…) composée de Congolaises et de Philippines y travaillent avec la marque française Matis, experte de la beauté et particulièrement innovante.  Un bel endroit, notamment la suite duo au ciel étoilé.  Du linge de qualité.  Une oasis de silence, un vrai luxe au cœur de la capitale.

Certains bémols toutefois : des prix qui restent relativement élevés (min. 165$ le soin visage quand même !) et ces ‘détails à la kinoise’ difficilement acceptables au regard des standards occidentaux : trous béants dans les murs, une praticienne qui consulte son Gsm ou le staff qui entre dans la cabine durant le soin, dépôts dans la douche, porte d’armoire défoncée, désordre…  Une expérience toutefois globalement satisfaisante avec l’espoir que la qualité d’ensemble ne chutera pas après le départ tout récent de la fondatrice vers d’autres aventures.

 

Pour conclure, je tenais à dire un grand merci à tous les professionnels rencontrés durant mon voyage (et spécialement aux équipes d’Orchid Spa, Josepha Cosmetics et à Eric Matabaro) ainsi qu’aux nombreux kinois de sang ou de cœur qui m’ont accordé leur avis précieux durant la rédaction de ces deux articles.  See you soon…

(c) photo Pullman Grand Hotel Kinshasa

Spécial Kinshasa (1/2): révolution Nappy.

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Leur présence est encore très confidentielle à l’échelle de la ville, pourtant, elles sont  bel(les) et bien là.  Les Nappy Girls.  Qui sont-elles?  Comment magnifient-elles leurs cheveux davantage pour l’estime d’elles-mêmes que pour séduire les autres?  Où et comment elles prennent soin de leur cheveux?  Direction Kinshasa.

Josepha Cosmetics :  Nappy Hair Spa.

Lustre à pampilles de verre  monumental, staff et murs habillés de noir, des rayonnages où l’on trouve des marques internationales (Iman, MAC, Clinique, Clarins HT26), une avalanche de décibels s’échappant des clips vidéos…  Josepha Cosmetics, c’est le salon de beauté tendance où se bousculent les kinoises branchées, de tous âges, depuis son ouverture l’été dernier.  L’espace propose tous les services beauté classiques : coiffure, manucure, pédicure, make-up, épilations, soins visage.

Mais Josepha Cosmetics, c’est aussi un spécialiste des cheveux afros proposant de véritables soins pour entretenir et embellir les cheveux naturels ou en transition.  Tania Mandu Gieskes, manager du salon, nous explique que, même s’il est encore marginal, le mouvement Nappy est une vraie tendance de fond.  Et que cette recherche de naturel capillaire se traduit logiquement par le souhait d’utiliser des produits qui le sont tout autant.  On y trouvera donc des rituels de soin hydratants, nourrissants et assouplissants pour les cheveux alliant beurre de karité, huile de coco, aloe vera, banane ou encore, du miel.

Plus globalement, être nappy s’accompagne aussi d’une utilisation plus raisonnée en termes de produits cosmétiques corporels; le choix d’utiliser moins de produits industriels.  Pour satisfaire cette demande, Josepha Cosmetics importe donc, parfois même sous label de sa propre marque, des produits bruts tels que du savon noir, des huiles (avocat, coco…), des beurres (karité) ou des eaux florales (rose) en provenance directe d’Afrique du Nord et de l’Ouest.  Une offre complétée par les produits « écologiques » de la marque The Body Shop.

Une clientèle plus pointue et plus exigeante  aussi qui pousse le salon investir dans la formation de ses équipes.  Car si, techniquement, les prestations sont bonnes, la pédagogie inhérente au réel conseil professionnel marque un peu le coup.

Une jeunesse inspirée …et inspirante.

Stan Smith aux pieds et pleines d’assurance, Audrey (14 ans) arborant des twists et sa sœur Coralie (12 ans) coiffure afro naturelle, m’expliquent qu’elles sont opéré un retour au naturel depuis environ un an car, malgré leur jeune âge, leurs cheveux étaient très abîmés et ne poussaient presque plus.  Il est vrai que c’est dès l’enfance que les chevelures africaines sont malmenées (le défrisage est admis sur les bébés dès  1 an chez Josepha!).

Si elles utilisent des produits bruts et naturels (karité, huile d’avocat), elles utilisent aussi bien des produits de l’industrie conventionnelle (L’Oréal ou Franck Provost), mais toujours en veillant à choisir les gammes qui contiennent ces mêmes actifs.

En portant ses cheveux naturels et en revendiquant le droit à ne pas se conformer à la norme des cheveux défrisés, cachés sous des tissages lisses, ni même des tresses, Audrey estime porter un réel message militant.  Et même si les avis de la famille ont parfois été assez négatifs au début, à présent, les deux sœurs font des émules au sein de leurs amies de l’école belge et même au sein de leur proches puisque leur grande sœur, habitant Bruxelles, débutera sa transition d’ici peu.

Un mouvement qui se fédère.

Comme partout dans le monde, les Nappy Girls du Congo Kinshasa se réunissent et échangent énormément.  Sur les réseaux sociaux ou lors de rencontres ‘dans la vraie vie’, on parle beauté et santé du cheveu, bien sûr, mais pas que.  C’est aussi un lieu de réflexion sur l’estime de soi et l’affirmation de son identité ; sur la santé et le bien-être (comme le blanchiment de la peau, les défrisages et tresses ne sont pas sans danger pour la santé et sans douleurs),  sur la déconstruction d’un idéal de beauté occidentalisé ou, plus généralement, sur les thèmes de féminisme et d’empowerment.

Des moments d’échange intergénérationnels, dans le plus grand respect, où les femmes livrent leur parcours de vie, témoignent de leurs expériences, s’assument telles qu’elles sont avec force.  Alors, que l’on soit, de manière informelle, dans une cuisine à Kinshasa ou à grand renfort de sponsors commerciaux dans un palais des expo à Paris, le résultat est le même : des moments de sororité qui créent du lien et du sens.

Chères lectrices kinoises …et les autres: n’hésitez pas à consulter les pages Facebook de Josepha Cosmetics et des Nappy Girls du Congo Kinshasa.

Photo : copyright Joana Choumali pour Nappy de Babbi